mardi 15 juillet 2008

16. Kirikou est à Rabat

0. Cinéma d’animation à Rabat :

Le Festival International du Cinéma d’Auteur de Rabat, qui s’est déroulé du 21 au 30 juillet, est une manifestation qui a pour objectif non seulement de créer un espace de rencontre et d’échange entre les différentes nations et les différents genres cinématographiques, mais également de contribuer à la diffusion des films de qualité, comme « Le Cahier » de Hana MAKHMALBAF, « Le Bonheur d’Emma » de Sven TADDICKEN, « l’Homme qui marche » de Aurélai GEORGES, « Armin » de Ognjen SIVILIC, « Pièces détachées » d’ Aaron FENANDEZ, « Tricks » d’Andrzej JAKIMOWSKI… C’est dire qu’il y a de quoi faire plaisir aux cinéphiles, en ce que le programme était si varié qu’il répondait à tous les goûts : compétition officielle (12 films), hors compétition (avant-premières), découvertes (cinéma original), cinéma du monde (films rares), documentaire, cinéma maghrébin, hommages (Latif LAHLOU, Badia RAYANE, Nadia LJOUNDI), séances pédagogiques, leçon de cinéma (Nabil El MALEH), ateliers (scénario, montage), débats et la section enfant.

C’est dans ce cadre que le jeune public rbati a eu la chance de faire connaissance de Michel Ocelot et, sur le grand écran du Septième art, de sa trilogie filmographique de longs métrages, à savoir « Kirikou et la Sorcière » (1998), « Kirikou et les bêtes sauvages » (en corrélation avec Bénédicte Galup, 2005) et « Azur et Asmar » (2006). Le but des organisateurs était, sans doute, de « sensibiliser enfants et adolescents aux problèmes concrets de la société tout en conservant la part magique propre au septième art ».



1. Michel Ocelot :
Né en 1943 à Ville-franche-sur –Mer, sur la côte d’Azur, il a vécu son enfance en Afrique (La Guinée) avant de s’installer à Paris. Après des études des Beaux arts, il s’exerce au cinéma d’animation dans lequel il va s’illustrer.



2. Kirikou et la Sorcière : un conte en image :

« Kirikou n'est pas grand, mais il est vaillant »

Il y a lieu de rappeler que le premier film est tiré d’un conte que le réalisateur a déformé pour des raisons esthétiques et didactiques. Comme le texte d’origine, ce film reproduit, en réalité, la structure du récit classique. En effet, Kirikou est un sujet exceptionnel, dans la mesure où sa naissance s’inscrit sous le signe de l’autonomie : c’est un noir de très petite taille, qui s’enfante tout seul et rompt de ses propres mains le cordon ombilical. A cet enfantement singulier, il faut ajouter l’idée que Kirikou jouit d’un pouvoir extraordinaire du fait qu’il prend la parole au sein même du ventre de sa mère. Son destin semble être déjà tracé, lorsqu’il apprend par sa mère que l’absence des hommes de sa tribu est due à l’existence d’une sorcière anthropophage : Karaba. Et Kirikou s’ingénie à combattre cette femme superbe et cruelle, qui a fait assécher la source. Il lui faut donc triompher du Mal en faisant face à une suite d’obstacles dont les enfants de la tribu, son oncle, les fétiches redoutables, le monstre, les bêtes, le serpent…etc. Cela permet de mettre en exergue les qualités du petit héros (bravoure, audace…) et des forces auxiliaires (mère, grand-père (sagesse)).




Pour délivrer son village de l’emprise maléfique, Kirikou recourt donc à ce qui constitue les origines même de sa tribu : le grand-père. Celui-ci va lui a révéler les secrets des choses. Ainsi, cela permet à Kirikou de vaincre la sorcière en lui volant son trésor d’or et en lui enlevant l’épine que les hommes lui ont introduite dans la colonne vertébrale.



3. Kirikou et la Sorcière : une leçon d’amour et de pardon

Sur le plan symbolique, le voyage que Kirikou va entamer, de sa mère à son grand-père en passant sous le sol, représente un passage initiatique, dans la mesure où il permet au héros de réaliser deux choses complémentaires et cohérentes : passer de l’enfance à la maturité (petit/grand) et de dévoiler le secret de Karaba. En effet, cette femme, contrairement à ce que soutiennent les villageois, est victime d’un viol perpétré par les hommes du village, comme en témoigne ce symbole phallique (l’épine). En introduisant le baiser magique et le mariage de Kirikou et Karaba, dans la trame narrative, Michel Ocelot va plus loin que l’auteur du conte, car il met en scène le pouvoir de l’amour et celui du pardon. Ces deux notions vont être développées davantage dans « Azur et Asmar », où les deux personnages, malgré leur différence de couleur (Azur/Asmar) et de langue (français et arabe) découvrent qu’ils ne sont en fait qu’un.

Par ailleurs, la sexualité et la politique entretiennent des rapports tellement ambigus que Karaba serait cette Afrique qui souffre des traumatismes et qui attend « un petit, mais qui peut beaucoup ». Partant, la délivrance de cette Afrique, qui endure les calvaires, ne vient ni du FMI ni de la Banque Mondiale que dénonce le film de « Bamako » de Abderrhmane SISSAKO, mais du citoyen africain, si minuscule soit-il, qui est appelé constamment à faire preuve de courage et de lucidité afin de mettre fin à toutes les superstitions, et à combattre la peur, qui en est l’origine principale.

4. Pour conclure :
Et dans un processus de contagion, l’enfant-spectateur apprend, autant que le héros du film, que le Mal est une question relative, qu’il n’est, trop souvent, que cet iceberg dont on ignore la plus grande partie, mais surtout qu’il faut le déraciner, pour que naisse un monde d’amour,de paix et de bonheur.





Bouchta FARQZAID

15. Crime, châtiment et passion

Primé lors de la huitième édition du Festival du Cinéma Africain de Khouribga (lauréat de la première œuvre), « Taïf Nizar, ou l’affaire de Mohamed Sebbar » est le premier long métrage de Kamal Kamal, sorti en 2002. Ce film s’inscrirait dans la tradition des genres policiers, qui mettent en scène des sujets d’ordre social, politique et philosophique, en ce que il traite de la question de la peine capitale.


A. Un crime ordinaire :


En effet, le crime est thème fédérateur de « Taïf Nizar ». D’emblée, le spectateur est en face d’un « accusé », nommé Ahmed Sebbar, qui est censé avoir tué sa femme et ses quatre enfants. Ainsi, le présumé coupable ballote entre trois institutions capitales, à savoir le tribunal, la prison et l’hôpital. Hormis le jeune magistrat, l’institution judiciaire n’est là que pour souligner la culpabilité d’Ahmed Sebbar. L’institution pénitentiaire fonctionne comme cela qui écrase davantage le personnage, en ce qu’elle représente toutes les formes du mal : malnutrition, maladie, claustrophobie…A ces deux premières s’ajoute l’institution clinique où le jeune Khaled, à la différence des magistrats et des geôliers, éprouve une sorte de sympathie pour Sebbar.

Avec ce médecin, commence, en réalité, ce qu’il est possible d’appeler « l’enquête policière », telle que l’on trouve dans les films noirs. En ayant le sentiment qu’Ahmed Sebbar est innocent, il lui rend visite dans sa cellule et rejoint, par là, le jeune magistrat.


B. Un crime politique :

Grâce à des flashs-backs, qui traversent le récit filmique, le spectateur dévoile progressivement l’énigme de notre héros. En effet, Ahmed Sebbar – apprend-on – est un ex-agent de police (un retraité), qui a assisté à des scènes de torture lors des interrogatoires des militants sous un règne de plomb, comme couper la main d’un étudiant.
L’on apprend également que Ahmed est injustement accusé d’un crime qu’il n’a pas commis, en ce que c’est son chef, à lui, qui a mis à mort les membres de la famille de Sebbar, afin que celui-ci garde le silence sur des événements tragiques dont il était témoin oculaire. Sa seule chance est de se taire pou que sa fille survive.

Or, symboliquement, le bourreau n’en sera point gracié, puisqu’il a fini par être châtie de ses propres actes en se brûlant. Le paroxysme de la condamnation s’exprime encore une fois dans la scène ou Khaled crachera sur le tortionnaire. Cette scène doit stigmatiser une page noire de notre histoire. Témoin oculaire, Ahmed préfère ainsi de ne pas révéler la vérité. De ce fait, son silence s’inscrit dans une sorte de négativité, parce que c’est le sort de tout un pays qui en dépend. La passivité de ce personnage lui coûte la peine capitale (entendez une autre réprobation, s’il vous plaît !).

Or, Ahmed n’est aussi négatif que l’on peut croire. Au contraire, lors d’une conversation avec le jeune médecin, il lui fait part, mine de rien, des injustices perpétrées durant les années de plomb.


C. Justice et passion :

Partant, le crime perpétré contre la famille d’Ahmed Sebbar se trouve dramatiquement dépassé par un crime contre la société, voire contre l’Humanité. Et c’est là que le rôle de la justice devient impérativement capital. Le réalisateur, Kamal Kamal, semble, à dessein, jouer ironiquement sur l’allégorie judiciaire, dans la mesure où les yeux bandés, qui font allusion à l’intégrité et à l’équité, deviennent, dénotativement, signe de cécité.

A ce propos, tous les efforts du jeune magistrat et de l’avocat sont nuls et non avenus. Le juge et les autres magistrats ont déclaré, à l’unanimité, coupable un homme innocent, et passent, pour ainsi dire, pour de vrais criminels. Le verdict a été dicté par un impératif, à savoir le Devoir. Cette notion, paraît-il, contient dans le film toutes les contradictions de la pratique du Pouvoir, lequel s’oppose aux valeurs humaines. Car, comment se fait-il qu’un homme puisse juger un autre ?

Le discours judiciaire devrait être donc humanisé pour être mené à bien. Il lui faut prendre une âme sœur qui n’est que l’Amour, un concept qui est à même de résoudre tous les problèmes du monde, comme le souligne un marginalisé dans le film. Il est possible de constater qu’effectivement cette notion humaine fait défaut chez le juge, les magistrats, les geôliers, et évidement, le Tortionnaire (Mustapha Jamal). En effet, la femme du juge, Leila, est, dans ce sens, une figure emblématique de cette passion amoureuse et de cette tendance épicurienne, laquelle, grâce à son corps, met en crise ces formes doxologiques. Pour s’en convaincre, il faut rappeler la façon tellement érotique dont elle se comporte, en buvant un jus d’orange, en présence du ministre de la Justice. Aussi aime-t-elle danser et se maquiller de façon incongrue. Sa provocation atteint son paroxysme avec la relation d’adultère qu’elle entretient avec le jeune magistrat !

Et c’est là qu’intervient l’âme de Nizard à travers sa voix, qui, elle, semble apporter une réponse à la question si brûlante de la Peine Capitale. Elle permet, notamment, de faire face à toute forme d’absurdité qui menace l’existence de l’Homme et de stigmatiser le souci de comprendre l’Autre ; faute de quoi, tout le monde est condamné à devenir fatalement criminel.








En somme, « Taïf Nizard » ou l’affaire de Mohamed Sebbar véhicule indéniablement un message à la fois politique et poétique. La voix poétique triomphe on ne peut plus de la méchanceté politique.





Bouchta FARQZAID
AL BAYANE, samedi-dimanche, 7-8 juin 2003

14. Petite réflexion autour du colloque international de

I. En guise d’introduction :
Pour les organisateurs du Festival international des arts visuels et les nouveaux médias (FAN), la notion de « contemporain » « s’applique à un art qui prétend toujours renouveler les formes traditionnelles de la création »(1). Lors d’un colloque, auquel ont participé des artistes des critiques, des universitaires et des cinéphiles, moult axes ont été abordés. Cette rencontre était une occasion idoine pour réagir à des thèses négativistes, telle que la « nullité de l’art » avancée par Jean BAUDRILLARD (2), entre autres.
En effet, beaucoup de critiques pensent que la vidéosphère, comme l’appelle Régis DEBRAY (3), est une ère paradoxale, en ce qu’elle contient en elle-même la mort de l’art. Ainsi, fin de l’homme, fin de l’Histoire et fin de l’art semblent être des questions inhérentes à notre contemporanéité.



II. L’art contemporain :
Art actuel, art technologique, art en mouvement sont autant de nominations pour le même produit. Pour reciter Jean BAUDRILLARD, il faut rappeler que pour lui, l’art est tombé en crise du moment qu’il s’est trouvé incapable de suivre le processus d’innovation accomplie au sein de la télévision. Cette innovation se traduit, à dire vrai, dans trois aspects, à savoir : l’instantanéité, la simultanéité et la multiplicité. Aussi, la fin de l’art est due au fait que ce dernier « a épuisé, semble-t-il, tous les thèmes. C’est pourquoi, il est souhaitable que cet art s’oriente dans le sens de « l’intéraction » » (4). Artistique, ce mode d’expression doit être cela même où toutes les frontières deviennent poreuses en vue de pallier à ce « déficit du sens ».

a) Image et temps:
Pour Edmond Couchot (5), l’apport de l’art réside en ceci qu’il permet de mettre en scène deux temporalités fort différentes, celle de l’imageur et celle du regardeur. Celles-ci sont différées dans la photographie et le cinéma, mais simultanées à la télévision. A cet égard, il serait bon de rappeler que Roland BARTHES parle, à propos de la photographie, d’une troisième temporalité qu’il qualifie d’historique. Loin de signifier le temps, cette photographie le devient. Dans La chambre claire (6), ce phénoménologue désinvolte, cite notamment une photo d’August SALZMAN, dans laquelle celui-ci donne à voir le chemin de Beit-Lahem : un sol pierreux et des oliviers. La conscience du récepteur se trouve troublée par la superposition du temps de l’operator (imageur), du temps du spectator (regardeur) et celui de Jésus CHRIST.
Partant, la crise de l’art est due probablement moins au « manque de valeur esthétique » qu’à une exclusion de ce qui fait l’essentiel de toute forme d’expression, c’est-à-dire l’Histoire ou encore l’Homme.
Par ailleurs, l’art vidéo est une forme artistique qui s’inscrit dans une ère de foisonnement numérique, qui lui permet de mettre en exergue une nouvelle expérience par rapport et au temps et à l’espace. En mettant en scène un « temps en puissance », la vidéo devient, par là même, l’art de la non-linéarité et des bifurcations par excellence.



b) Image et mouvement :
Il est vrai que la photographie, la télévision, le cinéma et la vidéo n’ont pas le même statut, dans la mesure où ces expressions artistiques offrent un traitement particulier du réel. Analogique ou virtuelle, l’image note soit une immobilité des êtres (dessin, peinture, photo) soit un mouvement (dessin animé, cinéma, vidéo).
Mais, à voir de très près, on constate que le mouvement, dans cet art cinétique, n’est qu’une illusion d’optique, moirages ou autres. C’est pour cela que Roland BARTHES insiste sur une nouvelle phénoménologie de l’image cinématographique, à laquelle Gilles DELEUZE a consacré un essai époustouflant (7) où il somme le spectateur à s’investir dans le temps filmique à travers l’excitation de ses fonctions sensori-motrices.



III. Pour conclure :
Par rapport aux autres formes d’expression, il y a lieu de reconnaître que l’art vidéo, en puisant dans des nouvelles technologies, reste un outil qui participe à la transformation du champ visuel, tant au niveau de ce qui est perçu qu’ au niveau du mode de la perception. Par conséquent, il doit être doté d’une stratégie fort adéquate pour « responsabiliser » et l’artiste et le récepteur, d’autant plus qu’il constitue aujourd’hui une prise en charge de l’imaginaire et des affects, et qu’il est à la portée de tout le monde.
En somme, qu’est-ce que la création, dans un temps où il est trop difficile de faire le partage entre ce qui est « art » et ce qui ne l’est pas ?

« Choquer », « provoquer » et « innover », oui. Mais, comment et à quel prix ?


Bouchta FARQZAID


















1. Ce sont des propos du directeur de l’Association Irisson, Mjid JIHAD, et du directeur du Festival, Mjid SADATI. Voir le grand dépliant du Festival, tenu Casablanca entre les 21 et 26 avril 2008.
2. Sociologue et philosophe français (1929-2007). Il a écrit par exemple, Système des objets et de La Société de consommation.
3. Régis DEBRAY, Vie et Mort de l’image, France, col. Essais, Gallimard, 1992
4. Du même dépliant.
5. Docteur d’état et professeur émérite des universités, membre des recherches du Centre Images numériques et Réalité virtuelle, Paris.
6. Roland BARTHES, La Chambre claire, France, Cahiers du cinéma, Ed. de l’Etoile, Gallimard, Le seuil, 1980
7. Gilles DELEUZE, L’Image-mouvement, France, Editions de Minuit, Collection : Critique, 1983. Cf. les six notions clés : l'image-perception, l'image-action, l'image-affection, l'image-pulsion, l'image-reflexion et l'image-relation.

Autour du premier Festival du cinéma des jeunes

0. En guise de présentation :

Il est indéniable que le premier Festival du cinéma des jeunes représente concrètement cette pluralité dont témoigne le Maroc tant sur le plan géographique que culturelle. En effet, les vingt courts métrages qui étaient en lice venaient de différents horizons, à savoir Kénifra, Béni Mellal, Kénitra, Khouribga, Casablanca, Fès, Nador, Skhirate et Tétouan.
Un jury présidé par Saâd CHRAIBI a été désigné pour récompenser les lauréats prometteurs.
Grâce à la projection de films, aux débats qui s’en sont suivis et aux ateliers, qui ont été animés par Aziz ZAÏTOUNI (Prise du son), El Bakouri AMINE (Cinéma d’animation), Hamid AYDOUNI (Analyse filmique), Kamal TAMSAMANI (Image), Latifa NAMIR (Montage), cette rencontre permettait, sans doute, aux jeunes artistes d’évaluer leurs œuvres, tant sur le plan technique qu’esthétique, en termes de genre, de récit, de style et de pertinence.


I. Les thèmes :

Ces films en compétition traitent des sujets variés, mais dont le quotidien constitue une référence déterminante. A l’instar du cinéma marocain, ils reproduisent en quelque sorte des thèmes déjà débattus, que, sans les développer, on peut classer comme suit :

A. La marginalisation et l’incommunicabilité et leurs conséquences fâcheuses sur l’individu et la société, comme c’est le cas dans « Les Oubliés », « L’Illusion », « Rêves silencieux », « Souk des sourds », « Le portail », « Conflit », « Retour », « Le voleur », « Trabajo », « Quête de destin » et « Sur une feuille blanche »

B. La drogue : ce fléau est à relever dans « Trop tard… », « Cas du 36 », « La Fumée du tabac » et « Défi »

C. L’affect : « Dépression »


D. L’image : si jeune soit-il, ce cinéma ne s’est pas pour autant désintéressé de ce qui fait la matière de l’art visuel : la photographie (Les oubliés) le cinéma (Silence du cinéma), la peinture (Tableau pictural) et la télévision (Zapping).

II. Le genre :

A cet égard, diverses factures génériques sont à signaler. Car, si la plupart des courts métrages mettent en scène un drame et social et culturel, « Souk des sourds » s’inscrit dans une tradition populaire de genre comique, tandis que « Mariage illégal » est plutôt du côté fantastique et que les réalisateurs du « voleur » et du « Conflit » ont opté pour une autre esthétique, à savoir « le film d’animation »

III. Le colloque :

Il est à rappeler que les organisateurs ont trouvé judicieux d’organiser ce colloque sous le titre de « Cinéma des jeunes : création et production ». Y ont participé Youssef AIT HAMMOU (chercheur), Mohamed BAKRIM (responsable au CCM), Khalil DAMOUNE (critique), Yacine BELARAB (directeur de la section de la jeunesse) et Hamid AYDOUNI (modérateur).
Pour ce dernier, ce festival s’inscrit dans une continuité part rapport aux autres festivals, qui, eux-mêmes, sont ancrés dans des valeurs de modernité, de démocratie et de liberté.
Monsieur Yacine BELARAB a pris la parole pour souligner que la Maison des Jeunes est dépendante, en premier lieu, de la volonté des jeunes artistes et que l’objectif de ce festival est de contribuer, à l’aide des spécialistes en la matière, à l’amélioration et au développement des compétences des talents en herbe, d’autant plus que l’image est, aujourd’hui, l’outil d’expression le plus efficace.
Après avoir distingué le support cinématographique et le support télévisuel, et départagé cinéma amateur, cinéma professionnel et cinéma spontané, Monsieur Youssef AIT HAMMOU, lui, a noté quelques caractéristiques dans les films en compétition, telles que l’absence de la culture populaire et de l’adaptation ; la récurrence des flash-backs, de l’effet (intérieur : maison…).
Un des fondateurs de la Fédération nationale des ciné-clubs au Maroc, Khalil DAMOUNE a soutenu l’idée que ce Festival représente une continuité de ce que les anciens combattants de l’image, dont monsieur Nour-eddine SAÏL, ont entamé au sein des ciné-clubs : la culture de l’image. Aussi, il a sommé les jeunes réalisateurs à s’auto-former et à se spécialiser en vue de pouvoir créer dans les normes reconnues. Pou lui, ce « cinéma spontané » ne doit point être objet de critique, dans la mesure où toute évaluation, pour être objective, est appelée à tenir compte des conditions dans lesquelles ces films ont été produits.
Lors de son intervention, Mohamed BAKRIM a commencé par mettre l’accent sur la relativité de la dénomination « jeune » et sur la « «générosité » du cinéma pour encourager les jeunes artistes à œuvrer davantage, car l’image est le moyen le plus fréquent pour traduire l’imaginaire marocain, individuel et collectif. En plus, il a avancé que le cinéma marocain connaît, ces dernières années, un dynamisme assez poignant qui se manifeste dans la production (entre 15 et 20 longs métrages et 50 et 60 courts par an), la visibilité (présence du film marocain des les Festivals et sa place au Box-office au Maroc) et la diversité (thèmes, genres et générations). Cela s’explique, d’après ce critique, par un héritage cinéphilique au Maroc (la Fédération nationale des ciné-clubs au Maroc), par la volonté et la passion de quelques pionniers, comme Abd-Er-rahman TAZI, Abd El Kader LAKTAA, Mustapha DERKAOUI entre autres, et par la volonté publique traduite dans le Fonds d’aide et Le Festival de Marrakech, qui constitue à vrai dire une locomotive pour le cinéma marocain.
Lors du débat, les participants ont pu poser des questions aux responsables du secteur. Certaines de leurs remarques se résument ainsi :
1) Manque de matériel au sein des Maisons des Jeunes (caméra, lecteur DVD…)
2) Manque de formation en matière du cinéma
3) Problèmes juridiques (autorisation…)
4) Nécessité de créer des réseaux des jeunes réalisateurs à l’échelle nationale
5) Définition des critères de sélection (La délégation de Tétouan a taillé la part du lion avec cinq (05) films sur vingt (20))
6) Raison de la programmation du film « Rêves silencieux » en séance d’ouverture.



IV. Pour conclure :
Chasseurs d’image, ces jeunes artistes seraient exposés à des pénalités juridiques (filmer des personnes à leur insu). Aussi sont-ils imbus d’une tradition télévisuelle qu’il faut mettre toujours à distance pour faire du bon cinéma.
En somme, il est beaucoup de stéréotypes et des idées préétablies sur les métiers du cinéma qu’ils appelés à détruire doucement mais sûrement.
Ceci est un travail d’accompagnement.

Bouchta FARQZAID

13. « Cinéma de cœur » à Khouribga

C’est une conviction, à présent, que d’avancer que si on aime la vie, non seulement on va au cinéma, mais surtout on en fait. Telle semble être la devise du Festival des Arts, qui s’est déroulé du 21 au 23 mai, et organisé par la délégation du Ministère de l’Education nationale de Khouribga (Académie de Settat), sous le thème « Les Arts éducatifs au service du Civisme ». Musique, peinture, théâtre et cinéma y étaient les axes principaux.


A cet égard, sept courts métrages ont été sélectionnés à la compétition finale :
 « Lahrigh » de Z. Driss
 « Trouble de mémoire » de Abdel kébir Chmaiti
 « Epoux d’Ishtar » de Mohamed Hassoun
 « Au bout de la chute » de Rabi Amal
 « Kilomètre 5 » de Mohamed Kouiess
 « Photogénique » de Mourad Bitil
 « Extra-ordinaire » de Mohamed Onk


La première remarque qu’il est aisé de faire, c’est que ces différents films témoignent d’un investissement épatant du côté des équipes ayant présidé à leur réalisation. Nonobstant les faiblesses que l’on peut déceler au niveau technique (scénario, réalisation, montage…), ces courts métrages mettent en scène des thèmes variés qui ne touchent pas uniquement à la chose éducative, mais aussi à l’imaginaire collectif, en général : la scolarisation, l’handicapé et l’école, la drogue, la migration clandestine, la politique et l’Etat, et l’aliénation.


Un jury composé de trois critiques s’est chargé d’évaluer et surtout d’encourager les futurs artistes à travers des mentions et des prix, qui se présentent comme suit :

 Une mention spéciale à la future réalisatrice pour son film « Au bout de la chute » (une seule femme, c’est trop peu !)
 Une mention en ex æquo à deux acteurs principaux dans les deux films « Photogénique » et « Epoux d’Ishtar »
 Premier prix : « Epoux d’Ishtar » de Mohamed Hassoun
 Deuxième prix : « Kilomètre 5 » de Mohamed Kouiess
 Troisième prix : « Photogénique » de Mourad Bitil


Ce même jury a rédigé un rapport très détaillé qu’il a soumis au comité d’organisation, et dans lequel il a mis l’accent sur les points dont il faut tenir compte pour la prochaine édition. Ils se résument ainsi :

 Le cinéma est un art très complexe, car il demande investissement et étude ; d’où la nécessité de programmer des ateliers de formation en matière de scénario, de réalisation, de montage et d’interprétation au profit des professeurs et des élèves.
 Excepté le film de « Photogénique » de Mourad Bitil, les génériques des autres films ne mentionnent plus la source des morceaux musicaux, qui ont été exploités – mal d’ailleurs- par les « réalisateurs ». D’où le respect du droit de l’auteur, car cela est un acte civil.
 Rares sont les professeurs-femmes qui se sont impliquées dans cette activité cinématographique. D’où l’obligation de les encourager à faire un art, qui est en lui-même un signe de modernité.
 Loin d’être des animateurs, les professeurs taillent la part du lion dans la production (scénario, montage, réalisation…). Cela reproduit, à vrai dire, la conception assez surannée de l’école où le maître est détenteur du savoir.
 La programmation de deux films, à savoir « Lahrigh » et « Epoux d’Ishtar » a tendu la perche au jury pour faire réfléchir à la dénomination du « film éducatif ». D’où la nécessité d’élaborer un règlement du concours, dans lequel il sera défini avec minutie ce genre de film (spécificités, thématique, objectifs, production…), d’autant plus qu’à partir de la prochaine édition, la délégation de Khouribga compte organiser un Festival régional entièrement consacré au septième art.



En somme, ces festivals sont fort utiles, en ce qu’ils montrent clairement que la mission de l’Ecole marocaine est encore possible : expression, formation, démocratie, civisme, liberté…
Beaucoup de signes réunis sont prometteurs pour les éditions à venir.






Bouchta FARQZAID

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