lundi 21 décembre 2009

Said Bay: premier rôle masculin

Que c'est une grande joie et une fierté que d'apprendre qu'un acteur (ou une actrice) a obtenu le prix du premier rôle, comme ç'a été le cas de Said Bay au Festival de Dubaï.
Bravo Said et bonne chance pour l'avenir.

jeudi 18 juin 2009

L'image de Tanger au cinéma :

Il est un penseur qui a avancé l'idée qu’un orientaliste ressemble à un escargot qui change de place, mais tout en restant à l'intérieur de sa coquille. Pour ce dernier, l'Orient se réduit à une série d'idées reçues, de stéréotypes qui ne font que reproduire l'image de l'Autre dans les textes des Mille et une nuits. Malgré toutes les mutations qu’ont les connues les sociétés orientales, beaucoup de réalisateurs occidentaux se conforment absolument à cette manière de représenter l’Autre, en en donnant une image fixe et décontextualisée.

Le film de "Tangerine" (2008), réalisé par l’allemande Irene Von ALBERTI, s'inscrit amplement dans cette conception assez négative qui, loin de jeter les ponts entre l'Orient et l'Occident, participe à amplifier l'abîme entre les deux univers.
Par une vue panoramique sur la ville de Tanger, le film s'ouvre sur l'appel à la prière, sans ancrage temporel: l'aurore? Le crépuscule? Ce clin d'œil assez malicieux est renforcé par la confusion des codes culturels et religieux. En effet, lors d'une scène, l'on est stupéfait par le fait que la femme - qui est une maquerelle - se met à faire la prière pendant que le muezzin appelle à l'exercice moral. Cette critique explicite de la culture orientale est encore manifeste dans une autre scène où l'époux allemand et la marocaine font l'amour avec comme fond sonore l'appel du muezzin.

La camera subjective joue dans le film un rôle déterminant, dans le mesure où elle nous permet d'appréhender le point de vue de la jeune épouse allemande, qui vient visiter le Maroc – Tanger à la recherche des plaisirs exquis : sexe, narguilé... Cette focalisation interne met en exergue le regard réducteur que l’étrangère jette sur un monde différent, à l’instar du personnage de Lola chez Nabil AYOUCH.
A cela s’ajoutent des images qui, à cause de leur immobilité, fonctionnent comme des cartes postales et servent techniquement de "raccords" entre les scènes et les séquences, dont des chats qui se nourrissent dans des poubelles ; un garçon marocain perché dans un balcon, pendant la nuit ; une plage vue de par-dessus les toits de la ville...

L'être oriental n'échappe point à cette vision dévalorisante, en ce qu'il est présenté soit comme violent, en témoigne le vieil homme qui bat la jeune fille et la persécute, et de fait il est l'antidote de l'allemand qui prend sa défense ; soit comme un nécessiteux, tels les garçons ou la femme qui demandent de la charité, ou encore une personne corrompue qu’illustre bel et bien l’avocat, au même titre que l’aubergiste dans « Lola ». En outre, presque toutes les femmes du film s'adonnent à la prostitution en vue de subvenir à leurs besoins. La belle et jeune marocaine - Amira - est même prête à sacrifier son corps pour pouvoir obtenir un visa.
Parallèlement, le film nous donne une image valorisante de la femme allemande, du fait qu'elle cherche à rendre son mari heureux en le mettant en contact avec Amira, qui de par son nom introduit l'étranger dans un univers de magie et de délices.

Cette vision dénaturalisante de la ville de Tanger, on la retrouve également dans certains films étrangers, tel « Thé au Sahara » de Bernardo Bertolucci, entre autres, auquel « Tangerine » fait écho partiellement par la présence du couple étranger, qui s’y installe à la quête d’un univers mythique où la sexualité masculine en crise se ravive en contact avec le corps oriental.

A cet égard, il est impératif pour un critique de se servir d’une méthode qui se veut objective, telle l’approche comparative, afin de corriger cette vision unidimensionnelle. La filmographie de Moumen SMIHI est notamment incontournable. Depuis « Chergui ou le silence violent » jusqu’à « El Ayel, le gosse de Tanger », ce réalisateur tangérois développe une image assez nostalgique de la ville sans la mythifier. En effet, Tanger est un espace de rencontre des différentes cultures (andalouse, marocaine…) et religions (Islam, Christianisme, Judaïsme). Elle est donc un espace historique où chaque événement si anodin prend sens et acquiert de l’ampleur.
Dans les films de SMIHI, la réalité prosaïque se trouve non seulement affichée, mais également dépassée par une dimension à la fois poétique et historique que l’œil-caméra nous fait découvrir. Dans un silence onirique, la succession des lieux sacrés - minarets, églises, synagogues – et des ruelles portant des noms des personnages universels, nous met au cœur même de l’Histoire marocaine, mais en tant que partie intégrante de l’Histoire universelle. Pour SMIHI, semble-t-il, chaque signe, chaque indice, chaque nom propre, à Tanger, nous invite à re-lire ce qui a constitué l’essence même de cette ville, à savoir la coexistence des êtres, des cultures et des religions.

C’est pourquoi, un regard cinématographiquement « objectif » serait celui qui relie les deux bouts de la réalité marocaine sans pour autant entraver les fictions possibles. A notre humble connaissance, cela est encore rare, pour ne pas dire inexistant.



Bouchta FARQZAID

vendredi 30 janvier 2009

Casa negra: mythe et réalité

Nourreddine Lakhmari est un réalisateur qui promet. Son second film «Casanegra» en est la preuve indéniable.

Affiche de CASANEGRA
«Casanegra» est consacré à une ville qui, très souvent, est perçue comme un espace mythifié dans la mesure où elle est la capitale économique du Maroc.



Casablanca : le mythe du noir

Lakhmari est l’un des réalisateurs qui semblent accorder de l’importance à ce qui constitue le premier seuil de la fiction, à savoir le titre. «Casanegra» fonctionne comme l’opposé de «Casablanca». L’espace se trouve implicitement apprécié à travers deux entités antithétiques : le blanc et le noir. Plus, c’est cette dernière couleur qui semble l’emporter sur la première. C’est dire que le réalisateur démythifie l’une par l’autre.



Une rhétorique de la non-pudeur

Le côté noir réside dans le fait que le film met en scène la violence. Celle-ci est manifeste sur le plan discursif. Des termes argotiques sont d’une obscénité flagrante. Ainsi, le spectateur est mitraillé par des expressions comme « fils de pute », « que Dieu maudisse la religion de ta mère », « pédé »…

Cette violence n’est pas que verbale, elle est également factuelle : menaces par la perceuse, bagarres, sang, poursuites… Elle est en plus visuelle. Nourreddine Lakhmari est un réalisateur, c’est-à-dire quelqu’un qui écrit/peint par la caméra. C’est pourquoi, il a délibérément choisi un cadre temporel fort significatif, qui n’est que la nuit (le noir). A cet égard, le spectateur se sent étouffé dans cet espace paradoxalement comprimé.



Casablanca : une réalité prosaïque

Le grand mythe de Casablanca n’est que l’argent. Tous les personnages du film courent contre la montre en vue de gagner de l’argent en recourant à différents moyens légaux et illégaux (prostitution, drogue, délits, crimes, vente des cigarettes au détail…). Ce règne de l’argent est à l’origine de toutes les inégalités sociales que le film donne à voir, et qui s’expriment dans la marginalisation des êtres dont Adil et Karim. Ceux-ci sont des héros problématiques, puisqu’ils nourrissent des rêves, quoique différents, qui finissent en eau de boudin.



Un rêve de l’ailleurs

En réalité, tout le rêve d’Adil est de pouvoir fuir cette espace dysphorique qui est Casablanca. En effet, il porte sur lui une photo de Malmö, en premier lieu et de La Suisse en second lieu.

Malgré l’opposition de son ami Karim, l’appel de l’ailleurs le pousse à collaborer avec Mokhtar, ce mafieux si redouté. Il a beau faire, mais son projet tombe à l’eau.



Un romantisme en crise

Réaliste, Karim, lui, va s’engager dans une entreprise qui va le faire s’enivrer un certain temps en compagnie d’une femme. Or, la réalité brutale et prosaïque introduit comme une sorte d’abîme entre lui et celle qu’il aime tant, celle qui constitue son ailleurs à lui. Les enfants vendeurs mettent fin à son rêve et le rappellent à sa situation initiale.

Ainsi, les rêves des deux personnages sont brisés au contact d’une réalité sauvage et farouchement noire.



Le mythe de Casablanca a été mis à nu par Nourreddine Lakhmari, qui s’est ingénié à mettre au clair une réalité crue. Cette entreprise n’est possible que grâce à une maîtrise des moyens qui sont à la disposition du réalisateur : éclairage, acteurs, costume, dialogue, son, réalisation… Cependant, le film n’est pas aussi noir que l’espace de l’intrigue. Il se veut une critique acerbe d’une réalité que l’on se plaît souvent à dissimuler. Le réalisateur accomplit avec brio ce geste que l’on exige d’un artiste, à savoir la distanciation. Il nous invite à voir le film en gardant une distance par rapport à lui pour pouvoir décrypter la réalité « casaouia » en toute objectivité.

En salle, le public a réagi : rires, chuchotements, applaudissements. Ceci est un signe de réussite. Une saga visuelle !



Bouchta Farqzaid

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