mercredi 11 juillet 2007

6. Autour d’un film américain: The ballad of Jack and Rose

Lors du 5° festival international du film à Marrakech Les cinéphiles ont le plaisir d’assister à la première du film dramatique américain sorti en 2005 et réalisé par Rebecca Miller. Comme nous n’avons pas eu la possibilité de revoir le film, notre approche peut s’avérer ici plus impressionniste que lucide.
I. Un univers autarcique :
Le film met en scène un couple – Jack et Rose : père et fille - qui mène une vie presque « primitive », en rupture d’avec le monde d’autrui. C’est une espèce d’autarcie apparemment harmonieuse qui se manifeste d’abord dans le choix du lieu du drame, à savoir une île perdue, au nord-est des côtes canadiennes. En effet, il s’agit d’un espace isolé, mais menacé par l’industrie, symbole de dénaturation et de dépravation, contre quoi s’acharne le père Jack de toutes ses forces. Aussi, la maison dont une partie se trouve enfouie dans la terre a l’air d’une grotte, qui, par son mode de construction, fonctionne comme un moyen de protection. Ce locus amoenus est renforcé par le mode d’alimentation, lequel se réduit à des produits de la nature. Tels Adam et Eve, Jack et Rose cueillent cela même qui s’offre à eux. Ce désir de s’auto-suffire pousse en outre le père à rejeter certaines formes culturelles, telle la télévision, qui représente indéniablement une fenêtre sur l’Autre dans le temps et dans l’espace, et une mise en parade de l’interdit : culture. Parallèlement, Jack mène un double combat en vue de protéger et l’île et sa fille. Du coup, cette réclusion adamique est implicitement menacée.
II. L’Eclatement du paradis :
Ce lieu quasi primitif est fragile. Cette fragilité s’exprime de prime abord dans l’absence de la mère, qui constitue un élément d’équilibre psychologique. De là, une relation soupçonneuse et ambiguë se tisse entre le père et la fille, et se traduit dans gestes et des comportements qui frôlent l’érotique. Ainsi, le père devient pour Rose tout l’univers qu’elle a à posséder, à protéger contre tout, et dont la fin représente l’écroulement de sa vie. Pour s’en convaincre, il faudrait rappeler l’idée obsessionnelle qui hante l’esprit de Rose, à la suite du dépérissement de la santé du père, à savoir mettre fin à sa vie une fois mort.
Symboliquement, l’arrivée de la famille – femme et deux enfants - introduit une première fissure au niveau de la relation père/fille. Elle ravive les sentiments incestueux chez la fille, qui se concrétisent dans des actes naïvement dangereux. En effet, Rose va tout essayer pour récupérer le corps du père tant désiré, à commencer par projeter de mettre fin à la vie de « la femme intruse » (fusil, serpent), se faire changer (se laisser maquiller, se couper les cheveux) et violenter (dépucelage). La violence sado-masochiste est portée au rang le plus élevé dans cette mise en parade de la tache du sang encadrée sur un drap blanc.
Ainsi, le film débouche sur une mise en relief d’une lutte interne qui déchire le père : la Tentation de l’inceste, la consommation de l’Interdit, dont la scène du baiser est fort émouvante. Et la dédramatisation de la relation houleuse a été déclenchée grâce à un conte merveilleux du mariage du Taureau et de la jeune fille, en ce qu’il permet à Rose de survivre après le trépas du père.
En somme, The Ballad of Jack and Rose pose, au-delà de la question psychologique (amour, possession, haine), une problématique relative aux limites entre la Nature et la Culture, la Faute et l’Innocence et le Bien et le Mal. Il répond, de ce fait, à une question assez épineuse de la représentation, qui s’exprime dans le fait de savoir comment rendre sensible ou concret qui est abstrait et fantasmatique.



Bouchta FARQZAID (Membre du Ciné-club de Khouribga et chercheur dans le domaine de l’image)

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