mercredi 11 juillet 2007

13. La Dialectique des contraires

I. Pour introduire :

« Attente » est le troisième film de Rachid Mascharaoui qui a été projeté lors de la compétition officielle du Festival International du Cinéma d’Auteur qui s’est déroulé du 25 juillet au 02 août 2006. Ce film a été doublement récompensé en ce qu’il a reçu le Prix de la Critique – discerné par un Jury représentant L’Association des Critiques du Cinéma au Maroc (ACCM) - et le prix du public.
En voici la fiche technique :
• Réalisation : Rachid Mascharaoui
• Scénario : Rachid Mascharaoui et Oscar Kronop
• Musique : Reg Music Factory, Ralph El Khoury et Elie Barbar
• Son : Bruno Auzt
• Image : Jacques Besse
• Interpretation : Youssef Baroud, Mahmoud Massad, Areen Omari
Le film, qui mélange et le documentaire et le fictionnel, traite d’un thème si banal à savoir l’Attente , mais d’un regard assez original, dans la mesure où le réalisateur recourt à une mise en scène de la dialectique des contraires, laquelle concerne :
• Le genre : la fiction et le documentaire
• Le mouvement : Le temps et l’espace
• La représentation : La violence et la non-violence,
Le mythe et la réalité




II. La dialectique des genres : la fiction et le documentaire

D’abord, il faudrait rappeler que « ATTENTE » est un film de fiction dans la mesure où il réunit tous les ingrédients du récit, et qui sont :
• Les personnages : Ahmed, Bissan, cameramen, réfugiés….
• Le temps : de l’histoire ( 1948), du récit (quelques jours)
• Espace : Palestine, Syrie, Liban, Jordanie
• Visée des personnages : Quitter la Palestine / retourner en Palestine
Or, le recours à l’entretien des personnages qui ne sont pas tous des comédiens fait basculer, quelque part, le film du côté du documentaire. Ce procédé a l’avantage d’inscrire les événements dans un cadre historique tant au niveau spatial (Palestine, Syrie, Liban, Jordanie, camps des réfugiés..) que temporel (1948), qui débouche indéniablement sur le conflit Palestine/Israël. En outre, cette interférence des genres permet, sur le plan esthétique, de mettre en place un phénomène de contamination qui se traduit dans la fictionnalisation du réel et la réalisation (rendre réel) de la fiction, en vue d’élargir l’horizon d’attente du public : à chacun son goût.




III. La dialectique du mouvement : Le temps et l’espace

A cet égard, l’argument du film s’exprime dans le fait que, avant de quitter définitivement la Palestine, un réalisateur, nommé Ahmed, accepte une dernière mission qui consiste à organiser avec la journaliste Bissan et son cameramen – Lumière – des audiences dans les campos de réfugiés pour monter la troupe du Futur Théâtre National palestinien.
Or, à force d’être en contact avec ceux qui ont été expatriés, Ahmed prend conscience de l’immense désir de ces réfugiés de retourner à leur pays d’origine. En fait, ils survivent dans l’attente de réaliser cela même qui est le contraire de ce que - lui – il entreprend. Deux romans se mettent en place, l’un est personnel ; l’autre est collectif, mais qui inscrivent le déplacement dans une perspective contraire. Les deux destins s’entrecroisent et se schématisent ainsi :






De ce fait, le théâtre national palestinien constitue une métaphore d’une Nation où tous palestiniens sont appelés à jouer un rôle. Ce mouvement vers l’extérieur permet de mettre en relief le désir acharné des réfugiés de rejoindre la Terre qu’ils ont dû quitter pour des raisons qui leur ont été imposées, mais qu’ils portent en eux. Ce « fil d’Ariane » stigmatise combien les frontières spatiales ne sont qu’illusions. Pour s’en convaincre, il faudrait rappeler le cas de cette femme exilée en 1948 mais qui en garde du pain chaud. Plus, cet attachement à la terre se traduit chez cette jeune en exil qui sait mieux danser qu’une palestienne en terre d’origine. Au cours des audiences, Ahmed – et le spectateur à travers lui – apprend que La Nation n’est point une géographie, mais surtout des gestes, des habits, des actes, des traditions et une Idée. Temps et espace se confondent merveilleusement pour donner lieu à une vision utopiquement optimiste de la Palestine.



IV. La dialectique de la représentation :

Fort conscient de l’en-jeu de la mission du cinéma moderne, engagé sur le plan et idéologique et esthétique, Rachid Mascharaoui, loin de filmer des scènes de violence que subit quotidiennement le peuple palestinien, comme on l’a fait auparavant, opte , au contraire, pour un langage métonymique, c’est-à-dire de l’implicite. L’Exil des palestiniens est une conséquence ; et c’est au spectateur d’en deviner la cause. En outre, sur le camp de Sabra et Chatila, le vide est là pour suggérer le feu, l’acier et le sang. Car la violence sitôt qu’elle s’incarne, elle s’abrave. Si cette technique semble porter atteinte au genre documentaire, il n’en reste pas mois vrai qu’elle représente un langage intentionnellement ascétique et qu’elle relève d’une esthétique du sublime qui consiste à imaginer le contraire de la chose ou le revers de la médaille.
Au surplus, ce procédé esthétique de non-violence visuelle constitue un clin d’oeil au spectateur, appelé à être actif, en ce qu’il doit participer à la construction de l’intrigue et la compléter en recourant à ses acquis en termes d’images et d’Histoire.


V. Pour conclure :

Conciliant le documentaire et le fictionnel, « ATTENTE » se veut une approche qui s’inscrit dans une esthétique de la relativité objective qui aspire à la dénonciation de l’inter-dit ou de l’inter-vu. Contre la propagande, il opte pour l’œil qui voit l’explicite et devine l’implicite.
« ATTENTE » est un film-vocable qui métaphoriquement introduit une contrée géographique dans un processus de passion qui devient le destin de tout palestinien ou celui qui sent l’être.



Bouchta FARQZAID (MAROC)

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