lundi 29 décembre 2008

La rhétorique de la pudeur

La rhétorique de la pudeur
dans " Le Pain amer" de Hasan DAHANI


Il est des perles qui jaillissent comme de nulle part pour scintiller et éclairer ce qui les entoure. C’est bel et bien le cas de trois courts métrages que nous avons eu le grand plaisir de voir lors de la dixième édition du Festival National du Film de Tanger, tenu entre 13 et 20 décembre 2008. Ce sont "Démétan" de Mohamed Amine, " Le Pain amer" d’Hassan DAHANI et de "Paris sur mer" de Mounir Abbar.
0. En guise de présentation:
Il faudrait rappeler que " Le Pain amer" est le 7eme film de Hasan DAHANI. Le hasard a fait qu’il y’ait, à notre humble avis, une référence et une maîtrise des techniques cinématographiques chez ce jeune cinéaste qui, notons-le avec insistance, promet beaucoup.
Cette maîtrise s’exprime en réalité sur différents plans. Fidèle à la culture marocaine, si DAHANI, en tant que scénariste, a accordé de l’importance au premier seuil de sa fiction à savoir le titre. L’expression du « pain amer » fait référence à l'imaginaire marocain par la traduction de la phrase en arabe dialectal "lkhobz har" ou « lkhobz mor »). De là, il résume, quant à lui, toute une Histoire.
En effet, le court de Si Hassan DAHANI est fondé principalement sur deux thèmes imbriqués joliment sur le plan narratif et dont le noyau est bel et bien la famille.

I. La crise de la famille:
Cette crise familiale n’est ni donnée, ni exposée ni imposée. Elle est simplement suggérée. Sur le plan de l’image, le corps de la fille-mère perd de sa dimension érotique pour nous inviter à poser des questions en vue d’en déceler éventuellement quelques blessures brûlantes. Les gros plans y sont notamment fort pertinents, en ce qu’ils nous permettent de deviner l’intérieur du personnage. Un autre procédé participe à la mise en scène de la souffrance est celui de la répétition. En effet, une scène se répète plusieurs fois de la femme qui revient dans un taxi noir vers une heure tardive et se glisse chez elle sans que personne ne s’en aperçoive. C’est une mère prostituée malgré elle, que l’on peut appeler en pastichant un titre d’une pièce de théâtre de Jean Paul Sartre La P… respectueuse.
A cette situation déplorable de la mère s’ajoute le calvaire qu’elle endure chez elle par les mêmes questions que ne cesse de lui poser son père. C’est également par ce procédé de la répétition que nous découvrons que son père vit dans autre monde sans connexion avec la réalité à cause de cette maladie d’Alzheimer.

Ainsi la crise atteint son paroxysme, puisque les deux peux personnages subissent en fait le même sort : la perte du corps pour et de la mémoire pour l’autre.

II. dialectique : personnage, temps et espace :
Les trois personnages principaux du film ont un côté bestial. La mère est nocturne. La nuit représente ici temps de la transgression de l'interdit dont nous avons déjà parlé. Quant au père et sa petite-fille, ils semblent être prisonniers d’un espace comprimé, qui annonce, dès le début du film, à travers les serrures, une sorte de drame en filigrane.
Le jour est au contraire cela même qui constitue une occasion idoine pour le père – en captivité - pour se rendre lui-même la liberté.


III. Une fin ouverte :
La fuite du père n’est là que pour illustrer un désir si inconscient de mettre fin à une vie et d’en recommencer une autre. La scène finale du carrefour y est illustrative, en ce qu’elle annonce un autre possible narratif…

IV. En guise de conclusion :
En somme, il est assez d’avantages, dans le film, qui se résument comme suit :
 Belle écriture scénaristique, car l’histoire est simple, lisible mais profonde.
 Belle réalisation, elle témoigne de la maîtrise de la conception de l’idée et de sa matérialisation en image et en son.
 Très beau jeu des comédiens, parce qu’il est vraisemblable, « économique » et convaincant…




Bouchta FARQZAID

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