mardi 30 décembre 2008

Festival international du film de Marrakech: Le destin familial ou individuel

Le destin familial ou individuel
Autour du Festival international du Film de Marrakech (1)


0. En guise de présentation :
Il va sans dire que le Festival international du Film de Marrakech devient, de plus en plus, l’une des grandes manifestations cinématographiques dans le monde, à côté des Festivals de Venise, de Cannes, de Berlin…etc. La huitième édition en est fort illustrative : Films en lice (quinze), Films hors-compétition, Coup de cœur, Hommage aux cinémas marocain et britannique, à Youssef CHAHINE, à Sigourney WEAVER, à André KONCHALOVSKY et à Michelle YEOH, Flash-back, Travelling, Place Jamaâ El-Fna, Films en audio-description.
Cette édition a pris de l’ampleur grâce à un esprit de rigueur et de professionnalisme qui a sans doute déterminé la sélection des films en compétition, qui a donné à voir diversité, pertinence et esthétique. Y sont représentés l’Argentine, l’Inde, les Etats-Unis, la Pologne, le Danemark, le Philippine, l’Irlande, la Finlande, l’Italie, la Russie, l’Islande, la Chine, l’Allemagne et le Maroc.
Il est sûr que les films en compétition traitent, sur des modes différents (dramatique, réaliste, historique, mythologique, comique) des questions spécifiques et assez variés, comme la jalousie, l’affection maternelle, la solitude, la guerre, la maladie, l’impuissance sexuelle, la condition ouvrière, la question féminine, la reconnaissance. Néanmoins, ces questions sont reliées par un axe fédérateur qui est la famille et/ou l’individu. Cette thématique est si cruciale qu’un grand nombre de philosophes, d’éducateurs, d’écrivains et de cinéastes y ont consacré des œuvres indélébiles. Critiquée (« famille, je vous hais ») ou soutenue (cf. les textes sacrés), la famille est considérée comme le « premier espace social où les ressources sont mobilisables sont perçues par l’individu » (3). C’est dire que ce noyau humain influence pleinement le destin personnel et que l’individu agit sur lui en contrepartie.
Neuf films sur quinze mettent au clair justement les rapports de filiation et d’alliance, qui sont, très souvent, exposés à des épreuves. C’est une sorte de crise de l’individu qui entraîne l’éclatement du « cocon ».

1. Crise de l’individu ou crise de la famille :
a. Les liens de filiation : nombre de films mettent en scène certaines familles qui vivent une tension qui s’exprime dans la séparation (Zone Bridge, Time to die, Flame et Citron), la perte (Kandisha), la reconnaissance (The prince of Broadway). Certains réalisateurs ont mis en exergue le rôle si prépondérant que peut jouer la famille dans la vie de l’individu en crise. C’est l’exemple de la femme qui soutient son mari (Eden) ou le mari qui épaule sa femme (Kandisha) ou encore la mère qui intervient dans la vie de sa fille souffrant d’un cancer pour lui prescrire d’autres objectifs (100). Avant de se lancer à la recherche de sa femme qui a été récupérée par sa famille, le père dans « The Shaft » attend patiemment sa retraite en prenant soin de ses fils : il sollicite le directeur d’engager son fils à son poste et donne sa fille en mariage à un homme âgé et riche.
b. Les liens d’alliance : ceux-ci peuvent également être ébranlés comme le montrent « The Empty next », « Flame et Citron » et « Eden ». Ainsi, un hiatus se creuse entre le couple du film argentin à cause de l’âge et de la solitude. Le mari sombre dans un état presque maladif qui fait de lui un jaloux et un lecteur de signes susceptibles d’incriminer sa femme. Cette crise du couple a parfois comme corollaire l’adultère. A cause de la jalousie ou de l’impuissance sexuelle, les conjoints, le mari dans « The Empty next » ou la femme dans « Eden », contre leur propre gré et dans des situations si confuses, sont amenés à consommer l’interdit. La guerre peut être également l’un des facteurs qui contribuent fatalement à l’éclatement des liens familiaux. Le film danois, « Flame et Citron », donne à voir deux héros, qui se sont voués à la cause de leur pays au détriment de leurs familles, parents pour l’un et femme et fille pour l’autre.


2. Pour un dépassement de la fatalité :
Il est à noter que, malgré leurs efforts pour faire face à la réalité dramatique, certains personnages finissent par échouer. En effet, le héros de « Zero Bridge » a beau faire pour rejoindre sa mère aux Etats-Unis. Le jeune dans « The Shaft » a tellement rêvé de devenir chanteur, mais il a fini par occuper le poste de son père : un mineur comme les autres de son village. Sa sœur, elle aussi, a renoncé à son amour en obéissant à son père.
Il y a lieu de rappeler, cependant, que la plupart des héros s’inscrivent dans une positivité remarquable, en ce qu’ils s’efforcent tous de lutter contre la fatalité sociale, familiale ou corporelle, en faisant preuve d’une bravoure et d’une patience inégalables. Consciente de son sort inévitable, Joyce, l’héroïne de « 100 » décide de profiter des derniers moments de sa vie : elle fait la bonne chère. Celle de « Time to die », Aniela, témoigne d’une telle clairvoyance qu’elle décide de faire don de la maison à laquelle elle tient tant à une association, à la seule condition de la restaurer après sa mort. Et s’il est vrai que Flame et Citron ont été trahis et tués par leurs ennemis nazis, ils sont toutefois rehaussés au statut des héros légendaires qui symbolisent la résistance danoise. Tourmentée et par son destin et par celui de la Femme accusée d’avoir tué son mari, l’héroïne de « Kandisha » se découvre à la fois l’avocate et le personnage mythologique qui a pour mission de libérer la Femme. C’est un récit où la quête policière et la quête de l’identité (ou des origines) se chevauchent. Enfin, l’art a permis au mari dans « The Empty next » de dépasser ses sentiments hostiles à l’égard de sa femme.

III. En guise de conclusion :
Cette présentation assez sommaire n’est que pour susciter le débat autour d’une sélection de films, dont la plupart méritent des études rigoureuses où il faut tenir compte du contexte de production, du thème abordé et du choix esthétique de chaque réalisateur.

Bouchta FARQZAID



















1. Notre essai portera sur neuf films que nous avons pu voir à l’exception de « Tears of april », « Country Weddding », « A Year Ago in Winter », « Wlid Field ».
2. Bernadette Bawin, Bernadette Bawin-Legros, Jean-François Stassen, Sociologie de la famille, p. 9, version électronique.

L'Image visuelle chez FARQZAID: "Paris sur mer" de Mounir Abbar.

"Sellam et Démétan" de Mohamed Amine, " Le Pain amer" de Hassan DAHANI et de "Paris sur mer" de Mounir Abbar.

De petits bijoux ـ Tanger

Il est des perles qui jaillissent comme de nulle part pour scintiller et ىclairer ce qui les entoure. C'est bel et bien le cas de trois courts mىtrages que nous avons eu le grand plaisir de voir lors de la dixiوme ىdition du Festival National du Film de Tanger, tenu entre 13 et 20 dىcembre 2008. Ce sont "Démétan" de Mohamed Amine, " Le Pain amer" de Hassan DAHANI et de "Paris sur mer" de Mounir Abbar.

I. "Paris sur mer" de Mounir Abbar
Il faudrait commencer par dire que le thوme du film est assez dىbattu tant au cinىma qu'en littىrature. Or, Mounir Abbar y apporte une touche artistique et personnelle. En effet, le film nous raconte l'histoire d'un jeune africain qui a dىcidى un jour de rىaliser son rيve : migrer vers l'ىtranger via la ville de Tanger.

A. une traversée du désert:
Pour atteindre son but, le personnage principal est astreint de faire un pىriple infernal, en ce qu'il doit traverser un désert où toutes les menaces sont réunies ـ savoir le soleil, les sables et la maffia des passeurs. La technique de suggestion y est de mise, lorsque la camera nous présente de longs chemins sinueux.

La deuxiوme ىtape du prériple est Tanger. Ville de transition, elle constitue un pont vers l'au-delـ dans le double sens du terme. Mais elle est ىgalement un espace qui s'inscrit dans une logique ـ la fois négative et positive. Elle est un espace de toutes les menaces citadines: famine, manque de sécurité...

B. Une utopie heureuse:
Cette ville de Tanger a également un rôle narratif et symbolique, dans la mesure où elle permet de passer ـ l'autre rive et qu'elle peut bloquer toute tentative clandestine et, paradoxalement, rendre le rêve une illusion heureuse. Sans insister sur la banalité du prétexte, c'est dans ce sens qu'il faut entendre la rencontre entre le noir et la blonde, c'est-à-dire de l'Afrique et de la France.
Le récit du film prend forme au fur et mesure de la narration prise en charge par le personnage principal. Analphabète, celui-ci demande à la Française de transcrire une lettre dans laquelle il essaie de reproduire le récit de son voyage.
Il s'agit d'un procédé technique qui consiste ـ mettre en scène un récit grâce aux mots (voix off) et aux images, c'est-à-dire ـ en souligner le contenu la narration et de la visualisation pour nous mettre au centre du rêve qui n'est en fin de compte qu'une illusion. La ville de Paris n'est qu'un espace utopique du fait qu'elle est locus côtier.



C. Un locus amoenus :
Tanger, elle se dىcouvre un lieu de rencontre et du mىlange des couleurs, des races, des langues et des idées. Ville hospitalière, elle est cela qui réunit et concilie les différences.

En somme, le film de Mounir Abbar tىmoigne, sans complaisance, d'une touche et d'une vision originales. Cela promet beaucoup.


Bouchta FARQZAID

lundi 29 décembre 2008

"Paris sur mer" de Mounir Abbar.

"Paris sur mer" de Mounir Abbar.
L’utopie heureuse

Il est des perles qui jaillissent comme de nulle part pour scintiller et éclairer ce qui les entoure. C’est bel et bien le cas de trois courts métrages que nous avons eu le grand plaisir de voir lors de la dixième édition du Festival National du Film de Tanger, tenu entre 13 et 20 décembre 2008. Ce sont "Démétan" de Mohamed Amine, " Le Pain amer" d’Hassan DAHANI et de "Paris sur mer" de Mounir Abbar.

I. "Paris sur mer" de Mounir Abbar
Il faudrait commencer par dire que le thème du film est assez débattu tant au cinéma qu'en littérature. Or, Mounir Abbar y apporte une touche artistique et personnelle. En effet, le film nous raconte l'histoire d'un jeune africain qui a décidé un jour de réaliser son rêve : migrer vers l'étranger via la ville de Tanger.

A. une traversée du désert
Pour atteindre son but, le personnage principal est astreint de faire un périple infernal, en ce qu'il doit traverser un désert où toutes les menaces sont réunies à savoir le soleil, les sables et la maffia des passeurs. La technique de suggestion y est de mise, lorsque la camera nous présente de longs chemins sinueux.

La deuxième étape du périple est Tanger. Ville de transition, elle constitue un pont vers l'au-delà dans le double sens du terme. Mais elle est également un espace qui s'inscrit dans une logique à la fois négative et positive. Elle est un espace de toutes les menaces citadines: famine, manque de sécurité...

B. Une utopie heureuse:
Cette ville de Tanger a également un rôle narratif et symbolique, dans la mesure où elle permet de passer à l'autre rive et qu’elle peut bloquer toute tentative clandestine et, paradoxalement, rendre le rêve une illusion heureuse. Sans insister sur la banalité du prétexte, c'est dans ce sens qu'il faut entendre la rencontre entre le noir et la blonde, c’est-à-dire de l'Afrique et de la France.
Le récit du film prend forme au fur et mesure de la narration prise en charge par le personnage principal. Analphabète, celui-ci demande à la Française de transcrire une lettre dans laquelle il essaie de reproduire le récit de son voyage.
Il s’agit d’un procédé technique qui consiste à mettre en scène un récit grâce aux mots (voix off) et aux images, c’est-à-dire à en souligner le contenu la narration et de la visualisation pour nous mettre au centre du rêve qui n’est en fin de compte qu’une illusion. La ville de Paris n’est qu’un espace utopique du fait qu’elle est locus côtier.



C. Un locus amoenus :
Tanger, elle se découvre un lieu de rencontre et du mélange des couleurs, des races, des langues et des idées. Ville hospitalière, elle est cela qui réunit et concilie les différences.

En somme, le film de Mounir Abbar témoigne, sans complaisance, d’une touche et d’une vision originales. Cela promet beaucoup.


Bouchta FARQZAID

La rhétorique de la pudeur

La rhétorique de la pudeur
dans " Le Pain amer" de Hasan DAHANI


Il est des perles qui jaillissent comme de nulle part pour scintiller et éclairer ce qui les entoure. C’est bel et bien le cas de trois courts métrages que nous avons eu le grand plaisir de voir lors de la dixième édition du Festival National du Film de Tanger, tenu entre 13 et 20 décembre 2008. Ce sont "Démétan" de Mohamed Amine, " Le Pain amer" d’Hassan DAHANI et de "Paris sur mer" de Mounir Abbar.
0. En guise de présentation:
Il faudrait rappeler que " Le Pain amer" est le 7eme film de Hasan DAHANI. Le hasard a fait qu’il y’ait, à notre humble avis, une référence et une maîtrise des techniques cinématographiques chez ce jeune cinéaste qui, notons-le avec insistance, promet beaucoup.
Cette maîtrise s’exprime en réalité sur différents plans. Fidèle à la culture marocaine, si DAHANI, en tant que scénariste, a accordé de l’importance au premier seuil de sa fiction à savoir le titre. L’expression du « pain amer » fait référence à l'imaginaire marocain par la traduction de la phrase en arabe dialectal "lkhobz har" ou « lkhobz mor »). De là, il résume, quant à lui, toute une Histoire.
En effet, le court de Si Hassan DAHANI est fondé principalement sur deux thèmes imbriqués joliment sur le plan narratif et dont le noyau est bel et bien la famille.

I. La crise de la famille:
Cette crise familiale n’est ni donnée, ni exposée ni imposée. Elle est simplement suggérée. Sur le plan de l’image, le corps de la fille-mère perd de sa dimension érotique pour nous inviter à poser des questions en vue d’en déceler éventuellement quelques blessures brûlantes. Les gros plans y sont notamment fort pertinents, en ce qu’ils nous permettent de deviner l’intérieur du personnage. Un autre procédé participe à la mise en scène de la souffrance est celui de la répétition. En effet, une scène se répète plusieurs fois de la femme qui revient dans un taxi noir vers une heure tardive et se glisse chez elle sans que personne ne s’en aperçoive. C’est une mère prostituée malgré elle, que l’on peut appeler en pastichant un titre d’une pièce de théâtre de Jean Paul Sartre La P… respectueuse.
A cette situation déplorable de la mère s’ajoute le calvaire qu’elle endure chez elle par les mêmes questions que ne cesse de lui poser son père. C’est également par ce procédé de la répétition que nous découvrons que son père vit dans autre monde sans connexion avec la réalité à cause de cette maladie d’Alzheimer.

Ainsi la crise atteint son paroxysme, puisque les deux peux personnages subissent en fait le même sort : la perte du corps pour et de la mémoire pour l’autre.

II. dialectique : personnage, temps et espace :
Les trois personnages principaux du film ont un côté bestial. La mère est nocturne. La nuit représente ici temps de la transgression de l'interdit dont nous avons déjà parlé. Quant au père et sa petite-fille, ils semblent être prisonniers d’un espace comprimé, qui annonce, dès le début du film, à travers les serrures, une sorte de drame en filigrane.
Le jour est au contraire cela même qui constitue une occasion idoine pour le père – en captivité - pour se rendre lui-même la liberté.


III. Une fin ouverte :
La fuite du père n’est là que pour illustrer un désir si inconscient de mettre fin à une vie et d’en recommencer une autre. La scène finale du carrefour y est illustrative, en ce qu’elle annonce un autre possible narratif…

IV. En guise de conclusion :
En somme, il est assez d’avantages, dans le film, qui se résument comme suit :
 Belle écriture scénaristique, car l’histoire est simple, lisible mais profonde.
 Belle réalisation, elle témoigne de la maîtrise de la conception de l’idée et de sa matérialisation en image et en son.
 Très beau jeu des comédiens, parce qu’il est vraisemblable, « économique » et convaincant…




Bouchta FARQZAID

La 3ème édition du Festival National du film d'Amateurs

La 3ème édition du Festival National du film d'Amateurs
Du 31 mars au 04 avril 2009


L'association " 7ème Art " et le Conseil Municipal de Settat organisent du 31 mars au 04 avril 2009 le Festival National du Film d'Amateurs de Settat dont la première édition comprendra :
- une compétition officielle ouverte aux amateurs marocains ou résidents au Maroc dont les films ne dépassent pas 18 mn. Les trois meilleurs films recevront des récompenses ;
- trois ateliers de formation qui seront consacrés aux techniques de la production du film d'amateurs : 1) l'écriture de scénario. 2) le tournage de film. 3) le montage numérique ; et
- des interventions et des débats autour des questions relatives au film d'amateurs au Maroc et à travers le monde.
- un panorama du film d'amateurs d'un autre pays.
Pour présenter son film à la compétition officielle et/ou s'inscrire dans l'un des ateliers du festival, il faudrait accéder au site internet : . . . . . . . .
ou demander à l'une des adresses du festival les imprimés expliquant les conditions de participation : Association " 7ème Art " Settat - BP : 929.
Emails : septiemart_settat@yahoo.fr ou ab_mounaim@yahoo.fr ou yaqdam@yahoo.fr
Tels : 067260141 ou 061620801

Le cinéma burlesque :

Le cinéma burlesque :
« En attendant Pasolini » de Daoud Ouled-Syad (1)

« La verità non sta in un solo sogno ma in molti sogni »
Les mille et une nuits, de Pier Paolo Pasolini




0. En guise de présentation :
Il est indéniable que, sur la scène cinématographique marocaine, Daoud Ouled-Syad est l’un des réalisateurs les plus inventifs. Ses premiers films en témoignent : « Le cheval du vent » (2002), « Adieu forain », « Tarfaya Bab Labhar ». Ce brio s’explique par le fait que ce jeune réalisateur est d’abord un bon photographe.
Réalisé en 2007, « En attendant Pasolini », a certainement une valeur ajoutée, par rapport aux films précédents, en ce qu’il traite le rapport si épineux de la fiction et de la réalité ou tout simplement l’articulation du cinéma et du quotidien. Engagé, au sens artistique, Daoud Ouled-Syad sait donner du sens grâce à un regard à la fois réaliste et satirique. De ce fait, son souci, semble-t-il, est de donner à voir une matière tout en instaurant une certaine distanciation, à l’instar de Brecht dans le théâtre et du cinéma italien.


I. Une mise en abyme : le thème du cinéma :
Comme l’a souligné Daoud Ouled-Syad à maintes reprises, le cinéma a toujours constitué, pour lui, un sujet de prédilection. C’est pourquoi, le documentaire que Ali ESSAFI a réalisé sur les figurants de Ouarzazate l’a tellement touché qu’il a décidé de réaliser une « fiction » autour du même motif, en faisant appel à un scénariste distingué, son préféré Youssef FADEL. Cut : En attendant Pasolini.
Ce thème cinématographique se manifeste dans l’évocation d’une grande figure du cinéma italien, à savoir Pier Paolo Pasolini (2) : un film (Œdipe-roi) et une image (poster-substitut à qui s’adresse Thami avec véhémence). Un « homme de bien », comme le répète la chanson, ce réalisateur se transforme en un personnage mythologique, puisque Thami fait croire aux villageois que son ami d’il y a quarante ans est de retour. Tel le cinéma, ce mensonge a pour fin de secouer les esprits et de faire rêver les gens et leur donner espoir. Mais à la différence de ce Godo beckettien que l’on attend et qui ne vient jamais, Pasolini est celui même qui fait bouger les choses et les êtres : on se réveille tôt, on se réunit, on sélectionne, on passe au casting, on apprend l’italien, on construit d’autres chambres, on gagne de l’argent et on fait la fête. Ainsi, cette image d’ouverture, où le réalisateur met l’accent sur le vide de du paysage et sur le vent qui souffle, est comme dépassée par le reste du film. En effet, l’arrivée du cinéma – par personnification – est annoncée sous les signes de la fête. A ce propos, tout se passe comme si Daoud Ouled-Syad annonçait déjà la couleur de son film, qui s’inscrit, en gros, dans la tradition burlesque.
Le cinéma est traité également à travers le rapport que « En attendant Pasolini » entretient avec d’autres films. Ce rapport est soit explicite, comme avec « Œdipe-roi », soit implicite, comme le cas du film de Ali ESSAFI. Cet intertexte (3), s’exprime parfois dans des citations fort intelligentes, qui constituent un clin d’œil à d’autres corpus. Il est loisible de les classer ainsi :


Citation dans « En attendant Pasolini »
Film où le procédé est déjà utilisé

 Le microphone qui trahit un secret  « Kit-kat » de Daoud Abd-Syad
 Faire dérouler des images dans une boîte  « Bahib cima » (J’aime le cinéma) de Oussama Fawzi
 Le casting  « La Boite magique » (4)
 …  …



Citation dans « En attendant Pasolini »
Film où le procédé est déjà utilisé

 Le microphone qui trahit un secret  « Kit-kat » de Daoud Abd-Syad
 Faire dérouler des images dans une boîte  « Bahib cima » (J’aime le cinéma) de Oussama Fawzi
 Le casting  « La Boite magique » (4)
 …  …

Grâce à ces motifs cinématographiques, le spectateur accède non seulement au monde réel des figurants, mais également à l’univers des studios de Ouarzazate et, partant, à celui de certaines fictions du septième art. Telle une chambre d’échos, le film de Daoud devient cet espace même où les cinémas du monde se répondent.



II. Un cinéma burlesque :
Rien de plus amusant, chez Daoud Ouled-Syad, que ce penchant – comme infantile et naturel – de désamorcer le côté dramatique de la réalité prosaïque en recourant au procédé de la satire. Nombreux sont les personnages et les situations qui illustrent une telle idée. Pour s’en convaincre, il y a lieu d’en citer quelques exemples. Le Fqih est un homme de religion, mais il a une telle passion pour les femmes qu’il finit par tromper son ami en lui proposant d’aller à la Mecque. Aussi, le metteur en scène se plait à abolir les frontières de la fiction et de la réalité en mélangeant les registres. Que de plaisir de remémorer cette scène des figurants, jouant des soldats dans un film romain, et qui, lors d’une pause, se joignent à un cortège funèbre en psalmodiant des phrases en arabe. Ainsi, la superposition de la langue arabe et de l’accoutrement romain crée une sorte de décalage dont la conséquence principale est le comique. Une autre scène mérite aussi d’être signalée. Figure de la censure, le mokadem, sous la tutelle du caïd, ordonne au réalisateur du film « La Bible » de supprimer toutes les répliques jugées inadéquates. Cela signifie que le cinéma est, sans contestation, l’art du possible et de l’impossible.
Plus que gags, ces situations burlesques témoignent, chez Daoud Ouled-Syad, moins d’un désir de narrer que d’une volonté de montrer – c’est-à-dire donner à voir.






III. Une critique de la réalité :
Ce regard scrutateur n’est pas pour autant neutre. Daoud Ouled-Syad opte pour une vision ironique, dans la mesure où il met en scène des bribes de vie non seulement pour que l’on en rie, mais que l’on soit à même de les évaluer. Derrière leur grandeur, que, très souvent, l’écran nous donne à voir, il faut savoir lire également la misère de ces figurants de Ouarzazate. Faisant preuve des prestations époustouflantes dans des films internationaux, dont « The Jexel of the Nil » de Lewis Teague, « Kundun » de Martine Scorsese, « Cléopâtre » de Frank Roddam et « Gladiator » de Ridley Scott, ces comparses sont exposés au risque de leurs condition fragiles : tournage des films, corruption ( la somme d’argent que l’on verse au mokadem dépend de l’importance du rôle que l’on joue dans un film).


IV. Pour conclure :
Engagé, le cinéma de Doaud Ouled-Syad rend hommage à la fois au cinéma italien, à travers Pasolini, et au cinéma marocain, grâce à des figurants, qui ont contribué infailliblement à la réussite d’un bon nombre de films étrangers.
Au reste, le réalisateur a pu extraire de cette réalité prosaïque toutes les beautés des hommes et des choses.



Bouchta FARQZAID




























Notes :



1) Ce film a remporté le prix du « Grand film arabe » au Festival international du Caire et l’ « Ousfour d’or » de Safi, lors de la sixième édition.
2) Ecrivain, scénariste et réalisateur italien (1922-1975) : L'Évangile selon saint Matthieu en 1964, Œdipe-roi en 1967, Contes de Canterbury en 1972, Mille et une nuits en 1974…
3) Gérard GENETTE, Palimpseste, Paris, Seuil, 1992. Cf. p. 8 où ce critique définit l’intertextualité comme « relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes, c’est-à-dire éidétiquement et le plus souvent, par la présence effective d’un texte dans un autre ». Citation, plagiat, allusion sont quelques modes d’actualisation d’un tel rapport de l’hypertexte et de l’hypotexte. Le film de Fouzi BENSAIDI "What A Wonderfull World" en est fort illustratif.
4) Il s’agit d’un film italien où le personnage principal, à la demande d’un réalisateur, fait le tour de l’Italie pour choisir des futurs comédiens. Partant, il découvre tous les paradoxes que recèle ce beau pays.

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