jeudi 10 juillet 2008

« A. K » ou le méta-cinéma

« A. K » ou le méta-cinéma


« A. K » est un documentaire sorti le 22 mars mai 1985 à Paris par le français Chris Marker (71 m). Ce film trace les différentes étapes par lesquelles est passé le tournage le long métrage de « Ran » réalisé par Akira Kurosawa.

Le génie du réalisateur – Chris Maker- nous a donné à voir un reportage incomparable dont la principale visée est non de communiquer des informations, mais plutôt de faire rêver et revivre les premiers moments de la genèse d’un chef-d’œuvre indélébile : Ran.
Cela n’est possible que grâce à un certain nombre de techniques – retreintes mais significatives- qui se résument comme suit :

A. La descente heureuse des dieux sur terre :
En effet, chez le spectateur (averti), le metteur en scène est trop souvent ce « dieu caché » qui tire les ficelles, à l’insu du regard du spectateur. C’est un être qui se sacrifie pour signer un « produit », en vue de l’éterniser (des fois son nom passe très inaperçu dans un générique). Avec « A. K. », le créateur se met à côté de ses créatures pour mener un travail époustouflant quasi égal. L’œuvre nous est présentée, en fait, comme un film auquel prennent part réalisateur, figurants, maquilleurs, cameramen, décorateurs, perchistes…etc.

Veillant à son produit, ce créateur a l’air fort joyeux. Akira Kurosawa dirige ses acteurs d’un geste majestueux et d’un ton serein accompagnés d’un sourire solennel et lucide, marquant une sorte de satisfaction à l’égard film sous forme de toile qui se tisse.


B. La poétique des fragments :

Chris marker a intelligemment procédé par découpage du film en fragments : c’est-à-dire en petites séquences portant chacune un titre, lequel tire racine de la pensée –si poétique et spirituelle- du réalisateur japonais. Ces titres, dont l’esthétique fascine, sont en nombre de « 9 » et se succèdent selon l’ordre suivant :

• Bataille
• Fidélité
• Vitesse
• Pluie
• Laque et or
• Feu
• Brouillard
• Chaos

Ces formes – qui rappellent le haïku – mettent en scène un imaginaire d’un génie : la conception de la fiction cinématographique chez Akira Kurosawa. Elles nous dévoilent les détails les plus fins que le réalisateur accorde à une scène de bataille ou à telle autre…Elles constituent également les thèmes et les fils directeurs qui ont présidé à l’ « accouchement » d’un film tiré d’une pièce tragique, à savoir Le Roi Lear du fameux dramaturge William Shakespeare.

Parlant du cheval, par exemple, Akira dit : « il est porteur de vérité ». Cet animal sacré, auquel il consacré un film UMA, devient dans les films de ce réalisateur un personnage à part entière.

Quant au cinéma, il est, selon ses dires, l’art grâce auquel « il faut montrer ce que l’on a envie de voir ». Il l’oppose, par là, au genre dramatique où le geste est le support de toute communication. La caméra, pense-t-il, est « toute puissante » et bénéficie d’une « ubiquité » indiscutable, en ce sens qu’elle peut accéder à tous les endroits et au moindre détail, si banal soit-il, telle une grimace.

C. La mise en abîme :

Le film de Chris Marker est un langage cinématographique qui s’élabore sur le film d’Akira Kurosawa : images sur des images. C’est que, par souci de formalisation, il est possible de dire que « A. K. » prend forme sur « Ran » : un contenant et un contenu. En somme, il s’agit d’une sorte d’une mise en abîme iconique : Chris Maker filme Akira Kurosawa qui filme.
Le réalisateur premier ainsi que son équipe perdent toute dimension charnière et embrassent celle de la fiction. Autrement dit, ils subissent une espèce de dédoublement et deviennent simples personnages qui se meuvent dans l’univers fictif du film de Chris Marker. Ainsi, toutes les frontières entre fiction et documentaire se laissent estomper.

D. Le spectateur :
Une autre remarque mérité bien d’être notée : c’est que, par le biais du silence qu’actualisent les blancs entre le commentaire ( voix off) et le discours du réalisateur japonais et des acteurs, Chris marker invite le spectateur à s’introduire dans cela même qui lui est présenté.

« A. K. » n’est pas seulement un documentaire, mais aussi une sorte de miroir où « Ran » se réfléchit et se montre en train de se faire avec tout le rite que cela suppose.








Bouchta FARQZAID
AL BAYANE, culture, 14/02/1993.p6

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