jeudi 10 juillet 2008

« Music Box » : un film politique ?

« Music Box » : un film politique ?

Le ciné-club de Khouribga a clos ses activités, pour l’année 1993, par la projection d’un film de Costa Gavras, à savoir « Music Box », sorti en 1990.

Ce long métrage raconte l’histoire d’une avocate américaine qui, un jour, se trouve bouleversée par une nouvelle parvenant du service secret américain, selon laquelle, son père, d’origine hongroise, est accusé d’avoir été, en 1994, un criminel de guerre, un fasciste qui a atrocement torturé et exécuté des Juifs.

En effet, c’est par le biais du dialogue que certains faits sont remémorés et réactualisés, tels : faire faire la pompe aux Juifs sur des « baïonnettes » fixées au sol ; les attacher au moyen des fils barbelés et les jeter vivants dans un fleuve ; violer des jeunes filles en fleur ( 16 ans)…

Hormis ces analepses linguistiques, l’intrigue du film est cinématographiquement linéaire.

Terrorisée, l’avocate se décide de bonne foi d’assurer la défense de son père, qu’elle croit fermement et surtout aveuglément innocent. Cette défense s’ébauche au nom de la « famille », tels la fille, le neveu, le beau-père, les ouvriers, qui constituent ses adjuvants, face à la foule (les manifestants) qui représente ses opposants.


Or, la situation du spectateur est problématique, en ce qu’il se trouve à cheval entre les deux types d’actant. En réalité, la caméra porte un regard neutre (de l’extérieur) sur celui qui est censé d’être criminel : teint pâle, cheveux blancs, indifférence, affection envers le neveu…Elle évite, par là, toute mise en relief d’une information d’ordre psychologique ou relative à son passé. La focalisation adoptée dans ce film fait que le spectateur s’identifie à l’avocate : il sait autant qu’elle.

Cependant, un détail, concernant le dénouement, est à noter. La pompe que l’accusé (Lasslo) pratique la nuit dans la chambre de son neveu. Pour Lasslo cet exercice développe « le corps et l’esprit ».

Par ailleurs, cet accusé nous est présenté sous les traits d’un vieux qui se meut dans des espaces clos, qui l’étouffent et le compriment : ce sont la maison, la voiture et le tribunal. La rue est un lieu ouvert, mais auquel il ne peut pas accéder ; car c’est un espace public (la foule) où les injures pullulent.

Il serait intéressant de souligner qu’à l’intérieur du tribunal américain, d’autres espaces sont évoqués, tels Budapest, le Fleuve, la Hongrie. De ce fait, deux espaces se trouvent opposés : les Etats-Unis où le modernisme bat son plein et la Hongrie, comme un espace « exotique » et relevant d’un autre temps : architecture merveilleusement classique, gravure enchantante, un fleuve qui coule sans cesse et qui cache, semble-t-il, des secrets, une statue très élevée et située sur une montagne, comme le témoin d’une période historique. Or, cette beauté du pays hongrois n’est qu’apparente, car elle cèle en elle un drame, telle une blessure.

Et c’est grâce à cette communication presque instinctive avec l’espace des origines que l’avocate réussit à lever le voile sur l’ambiguïté de son enquête (existentielle), car voir les choses n’est-il pas un retour à soi-même ?

Ayant découvert toute la vérité sur son père, l’avocate se trouve déchirée entre le devoir familial (se taire) et le devoir humain (dénoncer son père). Ce dilemme tragique sera résolu dans un dernier plan où l’on voit sur la Une d’un journal toutes les photos-preuves que l’avocate a déniché dans une « box music ».

La planchette annonce : « J. Lasslo est un criminel ».





Bouchta FARQZAID




AL BAYANE, culture, 24/1/1993. p. 6

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