jeudi 10 juillet 2008

Regards sur deux films palestiniens

Regards sur deux films palestiniens
« Ar-Rboa Al Akhir » et « An-Nouss »

En collaboration avec La Fédération Nationale des Ciné-clubs et l’Ambassade de la Palestine au Maroc, de le ciné-club de Khouribga a organisé une semaine du film palestinien (1). Longs métrages, documentaires voire dessins animés figuraient au programme dont les activités se ont déroulées du 13 au 17 du mois de mai en 1993.
Ont été projetés deux films, à savoir « Ar-Roboa Al Akhir » de Mohamed Essawalma et « En-Nouss » de M. El Omari.

A. « Ar-Roboa Al Akhir » ou le langage des barbares :

« Ar-Roboa Al Akhir » est un film qui a été produit par l’OLP en 1989. Il n’est point excessif d’avancer que les discours sont loin de rendre la substance moelle des images fort agressives qui nous sont présentées. Leur violence interpelle toute personne dont la mémoire est bel et bien en friche : les actes des israéliens rappellent la barbarie des Tartares dont les textes ne cessent de souligner la teneur : tortures, bombes lacrymogènes, bombardements, brisure des doigts et des coudes… Par ailleurs, les images des victimes font monter les larmes aux yeux : sang, larmes et cris stridents et discontinus, corps mutilés.

A travers les Manifestations et la Résistance, qui sont les deux aspects dominants chez les palestiniens, le documentaire met en scène un peuple qui lutte légalement pour une cause juste : La Terre. Un fragment du Yasser Arafat clôt le film, en annonçant, au milieu des voix, l’Etat de la Palestine dont la capitale est AL Qods.

En somme, c’est un documentaire à voir et surtout à « sentir ».



B. « En- Nouss » ou le langage de la Mémoire :

Le film en question est cela qui assure la communication entre le réalisateur M. El Omari et le spectateur, censé être doté d’une compétence d’interprétation. C’est dire qu’il y a lieu de distinguer deux instances intra-fictive et extra-fictive.

a) Le niveau fictionnel :
Il s’agit de l’univers du film où il est possible de distinguer celui qui parle et celui qui voit. Deux narratrices sont d’abord à relever à savoir la Vieille et les deux jeunes filles.

1. La vieille :
Oum Mazen est celle qui amorce ses récits par ce refrain propre au conte : « il était une fois ». Cette formule sert à instaurer une sorte de distance de l’univers de l’histoire, tant sur le plan du temps (passé), espace (mémoire) et personnages (fictifs ?)… La Palestine nous est ainsi présentée comme un Eden, mais au passé. Des clins d’œil, relatifs aux maisons silencieuses et à l’absence des hommes, sont fort malins. Le présent stigmatise une question qui n’est que brûlante. Le spectateur s’y trouve, par là, comme secoué et amené à décortiquer les signes ostentatoires : euphorie ou dysphorie ?

Les récits-contes inscrivent le film dans une sorte de nostalgie perpétuelle, qui hante les mémoires simplement exilées et celles en léthargie. Récits de la Terre, des aventures, des mariages, des moissons, des morts et des chants populaires ont pour fonction d’impliquer le spectateur dans l’univers narratif : de l’histoire à la diégèse, tel est, semble-t-il, la visée de M. el Omari.

2. Les deux jeunes filles :
Il est à noter que les récits de la vieille sont de temps en temps interrompus par une musique lyrique, assurant la transition aux contes des jeunes filles, lesquels complètent les premiers. Contrairement aux récits de Oum Mazen, ceux des jeunes filles s’adressent à des narrataires intradiégétiques, telle la fille de cinq ans à qui l’on narre des histoires d’amour d’un temps révolu…

Les différents récits garantissent la transmission d’une culture palestinienne d’une génération à une autre. Cette idée peut se schématiser ainsi :

• Plan intradiégétique :


Narratrices : Narrataires :

Jeunes filles : filles ou fille de cinq ans… (2)

La vieille : spectateur abstrait


• Plan extradiégétique :

Destinateur concret : Destinataire concret

Le réalisateur : Spectateur concret



b) la description :

C’est là que la question se pose pour savoir qui voit pour nous. Au niveau de la fiction, quoique ce soit un documentaire, la caméra semble focaliser l’attention les menus détails, relatifs aux objets à l’habit et à l’espace : ustensiles, chaises, nappes, tables, costumes, châle, fenêtres…

En-Nouss est un documentaire ethnographique, et fait partie des films palestiniens réalisés par une nouvelle génération de metteurs en scène qui ont compris que l’identité des Palestiniens est quotidiennement menacée. Et pour faire face à ce monstre d’Oubli ou d’Amnésie, ils se sont ingéniés à réhabiliter les traditions palestiniennes dans les moindres détails de la vie quotidienne : oralité, rites, fêtes sont entre autres quelques ingrédients d’une Mémoire d’un peuple qui croit fermement en lui.





Bouchta FARQZAID
LIBERATION, jeudi 3 mars 1993












1. Cette appellation englobe aussi les films produits en dehors de la Palestine, mais qui traitent cette même cause palestinienne, dont « Les Dupes » de Tawfiq Saleh. Pour plus d’informations, cf. La revue d’« Etudes cinématographiques », N° 2, 1985


2. Ces pointillés signifient qu’il peut y avoir d’autres destinataires virtuels

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